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Récit Costa Rica - Novembre

Coast to Coast au Costa Rica !

Assez déçus d'un précédent voyage en Amérique Centrale, notre petit groupe de pêcheurs reste sur sa faim de poissons coqs, ces superbes animaux introuvables ailleurs.

De retour de la côte Est du Costa Rica, Jean Michel Sy nous fait part de pêches extraordinaires au tarpon et nous annonce des chiffres irréels. Comme nous savons pouvoir lui faire confiance, nous nous lançons à notre tour dans l'aventure et il nous prépare un séjour en deux temps. Première partie côté mer des Caraïbes, autour du tarpon donc, et seconde partie du séjour au Sud-Ouest, côté Pacifique, où nous espérons enfin trouver les gallinacés aquatiques.

Apres 11h de vol et une nuit calme à San José, Franco, notre organisateur sur place nous conduit à Barra del Colorado en longeant volcans, forêt primaire, routes plus ou moins praticables et final en bateau. Un arrêt petit-déjeuner sur la route (bananes gratinées au fromage, tortillas etc...) nous met d'entrée dans l'ambiance. Nous arrivons en fin de matinée à l'hôtel situé juste à 100m de la rive, départ sur les zones de pêche. Le village est assez étendu, situé de part et d'autre du fleuve, coupé par une piste d’atterrissage en béton. C'est un ensemble de petites maisons, avec quelques lodges, notre hôtel et le bâtiment des gardes-côtes. Le tout est tourné vers le fleuve, la plage étant plutôt raide et peu agréable. Dans notre hôtel, les chambres sont tout à fait correctes et nous savons que nous allons apprécier la clim. Juste le temps d'avaler quelque chose, de monter quelques cannes et nous partons pour 3h de pêche, à 3 par bateau.

La passe en sortie du Colorado, dont on nous avait dit qu'elle était dangereuse, est une formalité. Nous ne naviguons que quelques minutes dans des eaux limoneuses et nos lancers se font au milieu de rien, un peu à l'aveugle. Nous sommes un peu surpris de ne pas nous référer au sondeur ni au GPS mais notre capitaine semble sûr de lui. Pour tout dire nous sommes assez sceptiques et avons l'impression de pêcher l'eau.

Un petit tour plus loin, nous dérivons en limite d'une mer bicolore rouge et bleue. La séparation est extraordinairement nette. Nous y sortons nos premiers vifs. Apres plusieurs essais infructueux avec nos différents poppers, souvent complétés par des poissons nageurs semi-coulants, notre capitaine nous conseille ses leurres maison, un gros hameçon à tête plombée entouré de plumes qui se ramène lentement et sans animation particulière.

Et ses conseils sont judicieux. Première touche.

Elle est violente, puissante. Le poisson saute entièrement hors de l'eau, ouvre ses énormes ouïes en secouant frénétiquement la tête.Il nous semble faire dans les 60kg pour 1m 50 au moins. Et il est plus fort que nous. La canne n'est pas assez haute et nous trop excités, plus dans l'admiration que dans le combat. Il recrache rageusement le métal et nous sommes dépités et conscients de nos erreurs. Notre capitaine nous corrige afin d'améliorer la technique. Le suivant sera pris au vif, proprement, sur un circle qui restera dans un coin de la bouche. Le combat est rigoureux et soigné. Nous sommes attentifs aux premiers sauts, évitant tout coup de mou qui permettrait à notre adversaire de se décrocher ou retomber sur le fil, ou encore laisserait la ligne s'enrouler autour de l'anneau de tête (ça arrivera cependant quelques fois les jours suivants ! ).

Nous décidons de tourner à deux sur ce poisson comme d'ailleurs sur l'ensemble des beaux poissons du séjour. Non par fatigue, tout le monde est capable de ramener un poisson d'une soixantaine de kilos, mais par plaisir du partage. C'est notre conception de la pêche. Pour nous c'est un sport collectif, nous pêchons ensemble, à égalité, sans concours, dans une passion commune. Nous le ramenons au bateau. Il est parfait. Sa couleur impeccablement uniforme nous fait comprendre son surnom local de « silverking ». Nous le décrochons dans l'eau et il repart rapidement rejoindre la place qu'il aurait aimé ne pas quitter.

Le soir au camp, nous débrieffons cette après-midi prometteuse avec nos collègues de l'autre bateau qui ont connu les mêmes aventures.

Les journées suivantes se passent toutes sur ce rythme. Départ à 6h30, retour à midi pour manger à l'hôtel, et 13h30-17h sur l'eau. La pause de méridienne est un vrai bonheur qui nous permet de nous retrouver tous ensemble et de repartir frais après 5h d'une pêche vraiment physique. Nous enchaînons les tarpons avec plusieurs prises par demi-journées et par bateau. Que de superbes spécimens de 60 kg, et quelques poissons records à 100 kg avec parfois une carangue ou un barracuda au milieu. Leurs sauts sont impressionnants. Les plus petits sont d'ailleurs plus combatifs que les gros. C'est un régal de les ramener au bateau, d’enchaîner les dérives entre deux eaux sous le regard intéressé d'un jeune pélican brun en attente de quelques sardinas.

Cette pêche est incroyable et l'absence de surprise concernant l'espèce est largement compensée par le plaisir du combat et la beauté du trophée. Ces poissons sont majestueux. Leurs sauts ont inspiré Sotomayor, et la technicité du combat nous donnerait presque l'impression d'être bons quand nous arrivons à nos fins. En plus ici, tous les poissons seront relâchés. Mêmes les carangues et les barras. La préservation de la ressource est une vraie réalité. Les poissons qui nous seront servis à table sont issus de petits pêcheurs locaux, pris plutôt dans le fleuve. Au final, nous aurons fait une quarantaine de tarpons en 4 jours et en aurons décroché au moins autant. Près de la moitié seront pris avec les têtes plombées, le reste au vif (sachant que les ¾ des cannes sont montées au vif, le ratio est clairement en faveur de ces créations locales ! ). Nous n'avons pas persévéré avec nos leurres et c'est un tort, mais un binôme de suisses sympathiques rencontrés à l'hôtel (eux aussi envoyés par Jean Michel) a toutefois eu des résultats, quoique moindres par rapport aux nôtres en terme de quantité.

La passe aura été d'humeur variable et nous avons eu quelques belles frayeurs qui resteront de formidables souvenirs. Nous nous souviendrons des surfs sur déferlantes, de l'échouage sur banc de sable et des sauts sans toucher l'eau (on se serait presque pris pour des tarpons ! ) La météo aura été globalement clémente, et si la zone de pêche est relativement peu étendue, nous n'aurons jamais eu deux fois les mêmes conditions sur zone.

Cette pêche au mono-poisson peut d'ailleurs être une destination unique en soi. Ce n'est pas ce que nous avons choisi, mais la ressource est si abondante qu'il nous semble impossible de passer à côté de sa pêche. Nous n'étions d'ailleurs pas dans la meilleure période (fin de saison des pluies) mais nous nous sommes vraiment régalés.

Enfin, les à-côtés étaient aussi au rendez-vous. L'accueil de nos hôtes a été impeccable, les repas variés et de qualité (langoustes et camarons nous aurons fait autant plaisir qu'un beau tarpon ! ) et la découverte de la vie locale nous aura offert de belles découvertes. Nous n'avons presque pas exploité la pêche dans la jungle qui pourtant l'aurait mérité avec un peu de préparation. Si vous vous laissez tenter par l'aventure, essayez !

La piste d’atterrissage, traversée 4 fois par jour pour nous amener vers les tarpons nous conduit cette fois vers d'autres cieux. L'avion, posé à 50m face à l'hôtel nous amène vers le Pacifique. Nous n'aurons pas le plaisir de voir la nature de près, mais gagnons un peu de temps en prenant de la hauteur.

Nous arrivons à Golfito. Nos hôtes, Bernadette et Yves Harlepp nous accueillent dans leur maison comprenant quelques chambres et une dépendance avec trois autres. Nous avons tous croisé un jour où l'autre des gens charismatiques, profondément drôles, forts en gueule, captivants, humains et bons. Eux sont tout ça à la fois.

Il est à noter qu'ici, tout le matériel est fourni. Cannes, moulins et autres sont de qualité, parfaitement entretenus et en surnombre. Inutile de s'encombrer : la notion de « all inclusive » prend tout son sens. Egalement (et c'était déjà le cas à Barra del Colorado), la vie se fait tôt ce qui nous a permis de moins subir un décalage horaire pourtant important. Le programme nous est donné. Petit dèj à 5h30 (le soleil est déjà bien levé) pour prendre la mer moins d'une heure plus tard. Yves prétend que nous allons nous casser les bras tant le poisson pullule et que les coqs finiront par nous sortir des yeux. Il en fait tellement que nous pensons qu'il a ramené la Sardine et que nous ne sortirons pas du port de Golfito...

Ce soir là comme tous les autres sera un délice de récits de pêche autour du monde et d'un rhum, avec bien sûr un repas toujours délicieux, varié, adapté aux quelques demandes personnelles, où la quantité n'efface pas la qualité.

Nous découvrons nos équipages le lendemain. Nous comprendrons vite que si les capitaines connaissent parfaitement leur affaire, les marins ne sont pas en reste et sont d'une compétence très appréciable. Tous ont ici été formés par les clubs de pêche américains, nombreux dans le coin. La communication est donc des plus aisée car ils parlent tous anglais couramment, et certains même français.

Autant le dire de suite, là encore la pêche aura été incroyable. Dès le départ, avec les vifs pris à la mitraillette sans leurre. Des sardines remontées par 4, 5 ou 6 et qui se jettent directement sur des hameçons complètement nus. Pendant ce temps, quelques chasses de carangues alentours, toujours dans la baie. Nous poppons joyeusement, c'est vorace, premières prises. Les marins nous annoncent un poisson coq que nous ne voyons pas. Nous naviguons jusqu'au sortir de la baie pour faire nos premiers gros poissons. Carangues et carpes rouges sont de la partie, pris indifféremment au leurre ou au vif.

Et l'après-midi, le premier jour, nous voyons enfin le fameux poisson coq.

On nous a longtemps expliqué comment l'attraper lors d'une touche au vif. Ouvrir le pick-up, lever lentement la canne en comptant jusqu'à 3, refermer et c'est tout. Oublier l'idée de ferrer fut le plus dur et nous avons invariablement loupé les 4 ou 5 premières touches. Nous finissons par y arriver et même si nous n'aimons pas particulièrement pêcher au vif, devant ce poisson, pour le premier au moins, qu'importe la manière pourvu qu'on ait la bête. Nous remontons avec application un magnifique spécimen d'environ 80cm pour 25-30 kg. Le combat est rude, le poisson vif et combatif. Nous finissons par le mettre au sec.

Nous posons tous sur la photo de crainte que ce ne soit le seul du séjour. A lui seul, il nous aurait permis de réussir le voyage. Il nous aura fallu 2 voyages en Amérique Centrale pour le voir autrement qu'en photo. Cet animal est beau, sa crête fièrement dressée une merveille. Nous rentrerons au port, comblés. Nos hôtes nous attendent en haut du ponton, soucieux de notre journée. La soirée sera joyeuse et animée, tout comme les suivantes. Le lendemain et les jours d'après, nous prendrons tous des coqs. Popper, stick, tout y passe. S'ils sont plutôt peu amateurs de jigs, nous ramènerons à la place quelques carangues, baras et autres carpes rouges. Même une jolie sériole. Nous croisons baleines, dauphins et tortues.

Un soir, la conversation tourne sur les espadons et les marlins. Yves nous annonce des marlins toute l'année et en nombre. Nous décidons d'y aller le lendemain. Le matin, il nous rappelle toutefois qu'il ne nous a pas conseillés d'y aller, que ce n'est pas vraiment la saison... Le Marseillais semble plus raisonnable et nous pensons faire chou blanc. Durant cette journée, chacun de nos bateaux sortira pourtant un magnifique marlin. Noir pour nous, rayé pour nos collègues. Et nous en décrocherons chacun également. Au milieu, les coryphènes sont légion et nous aurons même un magnifique spécimen de plus de 35kg pour 1m60. Ce pays est un El « Daurado »... Le lendemain, un seul bateau y retournera pour sortir 2 autres marlins, et en décrocher 3.

Et ce n'était pas la saison...

Yves et Bernadette jubilent de nous mettre en joie. Cette nuit là, nous subissons un fort tremblement de terre (5,4) qui sera aussi un grand souvenir heureusement sans dégât. Les deux jours en côtier suivant auront été plus durs, très vraisemblablement à cause de cela. Nous prendrons malgré tout encore des coqs.

Il est maintenant temps de rentrer, et nous emportons avec nous le souvenir de nos rencontres humaines et piscicoles. La route du retour nous conduit encore dans des coins improbables et magnifiques du Costa Rica

Merci Jean Mi de nous avoir permis de découvrir tout ça.

C'était beau.